N'oublions jamais

Publié le 26 Mars 2006

N'oublions jamais

Après la lecture de "Feux de saint Jean sur la colline" et notamment le passage sur la résistance bretonne, je me suis souvenue que j'avais eu un article lorsque j'étais en 6è sur des résistants bretons. En fait, il s'agit de lettres. Les voici.

Le 10 décembre 1943, la gestapo arrêtait au lycée Anatole Le Braz, à la suite d'une dénonciation, un groupe d'élèves et d'élèves-maîtres des classes terminales. Ils étaient affiliés au mouvement de Résistance "Front uni des Jeunes Patriotes". Trois de ces jeunes : Pierre le Cornec, Yves Salaün et Georges Geffroy, furent condamnés à mort par le tribunal militaire allemand de Paris et fusillés au Mont Valérien le 21 Février 1944. Huit autres lycéens furent déportés au camp de concentration de Newengamme où cinq d'entre eux moururent de privations et de mauvais traitements.
        Tous étaient âgés de dix huit ans.
                                N'oublions jamais.
Guy Allain, Louis Le Faucheur, anciens élèves arrêtés le 10 Décembre 1943, déportés à Newengamme et seuls survivants.


Lettre de Pierre Le Cornec
Elève au Lycée de Saint Brieuc
Fusillé au Mont Valérien le 21 Février 1944 à l'âge de 18 ans et demi

                                                                                    Fresnes le 21 février 1944
        Ma bien chère maman,
        Mon bien cher papa,
        Chère grand mère, chère Nicole, cher Guy,
 
  Mes deux camarades et moi, sommes maintenant réunis dans la même cellure, il est 11 heures, on vient de nous annoncer que nous étions tous trois condamnés à mort et que nous serions exécutés à trois heures cet après midi.
  Nous avons été jugés le vendredi 11 février et condamnés à mort ce jour là; je n'ai pas voulu le dire à papa mercredi.
  Notre avocat à présenté le recours en grâce qui a été rejeté.
  Nous allons donc mourir, nous allons mourir pour la France et tous trois nous en sommes fiers.
  Je pense avec une grande tristesse à ce grand chagrin qui va être le vôtre, et c'est maintenant que je me rends compte de tout ce que vous avez été pour moi, et de tous les sacrifices que vous vous êtes imposés pour moi, je ne sais vous remercier comme il le faudrait.
  Ne vous laissez pas abattre par ce coup qui vous frappe, songez à tous ceux de mon âge qui meurent obscurément sur tous les fronts.
  C'est la guerre avec toute sa cruauté, la guerre que le peuple français mène pour que la France revive.
  J'ai été soldat, j'ai fait tout mon possible pour mon pays.
  Ma vie a été courte, mais j'ai le sentiment qu'elle a été belle car j'ai eu un idéal.
  Je vous embrasse tous bien tendrement, une dernière fois.

PS - Je viens de recevoir les derniers sacrements. Priez pour moi.
                                                                                                                Pierre


Lettre de Yves Salaün
Elève au Lycée de Saint Brieuc
Fusillé au Mont Valérien le 21 Février 1944 à l'âge de 18 ans

                                                                                                        Fresnes le 21 février 1944
        Bien chère mère, bien cher père,
               Bien chers tous,

  Nous voici réunis tous les trois, Le Cornec, Geffroy et moi, dans une cellule qui verra les derniers moments de notre vie. Car on vient de nous notifier la confirmation de la terrible sentence. Terrible? Certes, elle le sera plus pour vous que pour moi car la mort ne fait pas peur à un soldat. N'allez surtout pas croire que je suis égoïste et que je ne pense qu'à moi, car c'est à vous que je pense et à tous les sacrifices que vous vous êtes imposés, vous nénaine et parrain pour m'élever. Je ne vous ai peut être pas donné toutes satisfactions que vous étiez en droit d'attendre de moi, mais j'ai suivi ma voie. J'ai toujours eu l'ambition d'être soldat, j'en ai l'âme. Ne pouvant faire partie d'une armée régulière, j'ai fait partie de cette armée souterraine et obscure de la Résistance. J'en connaissais les dangers, mais j'en avais compris la sublime grandeur.
  J'ai joué, j'ai perdu ce que d'autres gagneront, j'ai combattu pour un grand idéal : la liberté. Je mourrai avec la satisfaction certaine de savoir que d'autres achèveront l'oeuvre que j'ai, que nous avons tous commencée, qui mourons pour que la France vive.
  Il ne faut pas vous laisser abattre, par la terrible nouvelle mais relever le front devant l'adversité. Cinq des Salaün sont déjà tombés pour la France et je n'ai qu'un regret, c'est de ne pouvoir perpétuer cette famille si éprouvée par les guerres.
  Je ne puis vous exprimer dans cette lettre toute la tendresse que j'ai pour vous, mais je suis sûr que vous la ressentez, bien que vous soyez en droit de croire que j'aurais pu la manifester d'une autre façon, mais que voulez-vous le mal est fait et il n'y a pas à revenir sur cette question. Il est midi et nous avons encore deux heures à passer à la prison, mais je suis étrangement calme, car je m'étais fait à l'idée de ce qui m'arrive et de plus je suis sûre de pouvoir chanter, même devant le poteau.
  Je n'ai pas parlé d'Annick, de Michou, de mes parents et amis, de Jean en particulier, mais combien je pense à eux.
  Adieu donc, chers parents, dites adieu pour moi à la famille et aux amis. N'oubliez pas Marie. Ma suprême pensée sera pour vous et pour la France, ma patrie.
                                                                                        Yves

Lettre de Georges Geffroy
Elève au Lycée de Saint Brieuc
Fusillé au Mont Valérien le 21 Février 1944 à l'âge de 18 ans

                                                                            Fresnes le 21 février 1944
        Ma bien chère maman, mon bien cher papa,
            Ma chère petite Yvonne,

  Il y a quelques instants, on est venu me chercher dans ma cellule et maintenant me voici avec Yves et mon autre camarade Le Cornec. Mon cas était plus grave que je ne le pensais, voyez-vous mais jamais je n'aurais pensé mourir de cette façon.
  J'étais jeune et j'avais confiance dans ma jeunesse.
  Pauvre maman, que de chagrin, que de tourments t'ai-je donnés!!!
  Enfin, c'est la vie, que voulez-vous, s'il y a un au-delà, espérons que je vous y retrouverai.
  J'avais toujours eu l'ambition d'être soldat, de servir ma patrie, voilà ce qu'il m'en coûte. Cependant, je ne regrette pas ce que j'ai fait sur cette terre. Comme Yves, j'ai joué et j'ai perdu.
  Naturellement, je ne vous dirai pas que je ne regrette pas la vie que je passais auprès je vous. J'étais heureux et vous m'avez été vraiment de bons parents. Je ne voudrai pas que vous me preniez pour un ingrat. Non.
  Je ne peux vous exprimer dans cette lettre toute la tendresse que j'ai pour vous. Les mots ne me viennent pas, mais soyez-en assurés.
  Il est midi, le pasteur catholique vient de passer parmi nous. Bien que n'ayant jamais pratiqué, je vais me confesser.
  L'exécution doit avoir lieu à 3 heures. Sans doute viendra-t-on nous chercher dans deux heures.
  Ce qui me coûte le plus c'est de vous laisser sans vous avoir vus avant de mourir. J'aurais tant aimé, vous embrasser une fois encore.
  J'ai au greffe de cette prison, des affaires personnelles que j'aimerais voir entre vos mains : portefeuille, stylos. Quant au sac de scout et à la couverture blanche, ils appartiennent à des camarades ( Rinve et Le Mée).
  Je vous quitte mes chers parents, en vous envoyant mes derniers baisers.
  Votre fils qui vous aime tendrement.
                                                                                        Jo
PS - Mes meilleurs baisers aux grands mères, aux tantes et aux oncles.
 Mes meilleurs souvenirs à Mr et Mme Rolland.

Rédigé par majanissa

Publié dans #majanissa

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A
Pierre, était le frère de mon grand-père, Guy. Merci d'avoir publié ces lettres.
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S
Maktoub c'est un mot arabe.qui veut dire Fatalité ou bien déstin
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A
j'ai les larmes aux yeux en lisant ces lettres. Mon propre grand père a été fusillé au mont valerien je crois en 1942 , il a écrit une dernière lettre à ma grand mère et ma mère qui était un bébé à l'époque mais la lettre a été perdue, il ne reste que l'enveloppe? je lit avidement les lettre de fusillés espérant y trouver l'âme de stanislas, mon grand père
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M
Je me souviens qu'en 6è lorsque l'on a eu ces lettres, j'avais été bouleversée. Des années plus tard, au même âge que les condamnés, je suis retombée dessus et ça m'avait fichu un coup. Encore maintenant, lorsque je les lis, je me dis que j'ai de la chance.